« La publicité numérique n’est pas plus vertueuse que la publicité papier« . C’est en ces termes que les portes paroles du Cercle d’Alliés ont réagi suite à la décision de Carrefour de cesser la distribution de prospectus, avant de poursuivre, « Nous regrettons la décision précipitée de Carrefour de mettre fin définitivement aux prospectus sans justification environnementale avérée, alors même que l’ADEME a démontré encore récemment qu’on ne peut pas « conclure qu’un moindre recours au papier et un usage accru du numérique serait moins polluant »*. Il est nécessaire de maintenir un mix publicitaire numérique / papier en optimisant la distribution de ce dernier. En évoquant des motifs de gaspillage et sous couvert d’écologie, cette décision érode encore un peu plus la dynamique positive qu’a su instaurer la filière papier en matière de recyclage et de gestion durable des ressources, et met en danger l’ensemble d’une filière française en faveur d’une communication tout numérique sous pavillon américain ou chinois », Loïc Verley et Arnaud Dubin, porte-parole du Cercle d’Alliés et associés chez Pub-audit.
Des conséquences non négligeables
Les annonces d’acteurs de la grande distribution, ces dernières années, ont entretenu une ambiguïté qu’il convient de lever : la grande distribution a besoin de publicité et n’entend pas y renoncer. Le moindre recours au papier est ainsi généralement remplacé par des investissements et une promotion d’outils numériques. Il est donc essentiel de rappeler que la disparition du papier comme support de publicité est synonyme de basculement vers une publicité essentiellement numérique, avec pour conséquences :
- Un transfert de pollution, au moment où l’ADEME indique dans son récent rapport d’évaluation (octobre 2024) sur le dispositif Oui Pub qu’on ne peut pas « conclure qu’un moindre recours au papier et un usage accru du numérique serait moins polluant. »
- Le transfert des budgets publicitaires vers les acteurs du numérique GAFAM et au profit des plateformes asiatiques (Shein, Temu, AliExpress etc.) aux dépens du tissu économique français et de l’emploi dans nos territoires, dont les premières victimes pourraient être les enseignes de grande distribution elles-mêmes. Rappelons que la publicité digitale enregistre une croissance de 14 % en France en 2024 pour atteindre 10,97 milliards d’euros de recettes, dont 79 % reviennent au trio Google, Meta et Amazon*.
- Une croissance prévisible de l’empreinte environnementale grâce à cette demande supplémentaire des annonceurs, accentuant sa pollution déjà hors de contrôle au fur et à mesure que seront développés des outils tels que le streaming, l’intelligence artificielle, l’utilisation de données personnelles… Cette pollution est invisible et très difficilement quantifiable. À l’inverse, le papier est soumis aux filières REP et finance le recyclage à hauteur de 80 M€/ an.
Entre 2005 et 2022, l’industrie papetière française a divisé par deux ses émissions de gaz à effet de serre. Le taux de recyclage du papier graphique en France est de 76,2 % en 2023 en France (Source : ADEME – Actualisation 2023 des flux de produits graphiques en France).
À l’inverse, l’Arcep et l’ADEME indiquent que le numérique représente 4,4 % de l’empreinte et, sans mesures correctrices dans les années à venir, son impact devrait croître de manière exponentielle. En matière de déchets, 62 millions de tonnes de déchets électroniques ont été produites dans le monde en 2022, en hausse de 82% depuis 2010 (Sources ONI Global e-watse monitor 2024), et sont très mal recyclées.
Alors que l’expérimentation du dispositif Oui Pub a déçu et que la perspective d’une généralisation s’éloigne, les décisions d’entreprises à reporter la communication du papier vers le numérique accentueront encore ces constats d’un transfert de pollution massif et incontrôlé vers le numérique. Cela ne peut en aucun cas se justifier par une politique RSE.
Publié par Jérôme Pouponnot le